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24/07/2015

Crise agricole en France et dans le monde : "la lutte est entre petits producteurs et géants de l'agrobusiness"

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Face aux gouvernements (complices objectifs de la liquidation de la paysannerie) : les liquidateurs (industriels agro-alimentaires, grande distribution, FNSEA-Beulin)...  Explication :


 

 

« Crise » des éleveurs... Après la fausse manoeuvre de Valls (rigide lundi, souple mardi) vient l'heure des mesures. Bien entendu, ça coince. L'exécutif est pris entre : 1. la grande distribution qui occupe en France une place démesurée ; 2. les industriels, dont les géants du secteur laitier qui calculent « en termes de concurrence mondiale » ; 3. la FNSEA, lobby brutal mais équivoque. D'où la timidité des décisions proposées par Le Foll, et la probabilité d'une nouvelle crise à la rentrée.

Cela dit, les notables de la FNSEA pourraient (s'ils n'étaient pas souvent dans le même cas que lui) demander à Xavier Beulin des explications sur sa société Sofiprotéol et les importations massives... C'est la question posée par Périco Légasse, que nous signalait Isabelle hier :

http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/07/22/31003-20150722ARTFIG00120-perico-legasse-la-grande-distribution-est-devenue-un-fleau-national.php
« La puissance financière de la grande distribution et sa collusion avec la classe politique conduisent au massacre économique et social que l'on constate quotidiennement Sublime paradoxe, la patron de la FNSEA, premier syndicat agricole, Xavier Beulin, qui discute avec le ministre, est président de la multinationale Sofiprotéol, propriétaire de plusieurs marques agro-alimentaires, dont l'une des filiales à 100%, la société Farmor (Glon-Sanders), à Guingamp, importe des centaines de milliers de tonnes de poulets industriels brésiliens produits dans des conditions ignobles. D'une main j'envoie mes éleveurs de volailles faire des actions commando, d'une autre j'importe en masse ce qui les conduit à la ruine. Tout un symbole des aberrations de notre époque. Une question historique se pose alors, qu'est-ce que ce monsieur fait à la table des négociations? »

« Massacre économique et social », en effet. C'est ce qu'explique* Geneviève Savigny, éleveuse de volailles dans les Hautes-Alpes :

L'élevage est victime d'une surproduction qui pousse les paysans à l'endettement, au chômage, au désespoir voire au suicide : une surproduction qui est le résultat de la libéralisation et de la mise en concurrence avec des éleveurs du monde entier, avec, à l'arrivée, un nivellement des prix par le bas... Prenez le lait : on a libéralisé son marché, fait disparaître les quotas, démantelé des outils entiers de régulation, en faisant miroiter l'accès aux énormes marchés chinois ou russe par exemple ; on se retrouve face à une surproduction et un effondrement des prix. L'agro-industrie milite pour la logique productiviste qui ne favorise que les conglomérats... On profite de la crise pour se lancer dans une restructuration monstrueuse...

Geneviève Savigny ajoute :

La croyance aveugle en un grand marché mondial ne fait que laminer les petits éleveurs et les petits paysans. Le projet de traité transatlantique risque d'accentuer cette tendance. Les deux tiers de l'agriculture française sont exportés au sein de l'UE : avec la nouvelle suppression des droits de douane, c'est la France qui va être le plus pénalisée, notamment dans la viande bovine, 15 % plus chère que la viande américaine.

Solution ?

Il faut tout repenser... L'objectif serait de nourrir la population de façon durable avec de bons produits ; des cantines allant vers le raisonné ou le bio, des circuits courts, une production locale ou relocalisée... [Il faut] remettre à plat un “modèle” à bout de souffle qui ne pense qu'en termes de volume, de chiffre d'affaires et de spéculation. Changer le cadre culturel de la politique agricole. Renforcer le pouvoir des citoyens et des consommateurs. Le combat est inégal : à Bruxelles, ou autour des ministères, les lobbies de l'agro-business et les grands syndicats agricoles sont cent fois plus écoutés par les politiques que nous, qui défendons les petits producteurs, 70 % des paysans en Europe. On a en face de nous un modèle dépassé qui ne pense qu'à l'argent. Et des pouvoirs publics qui ont abandonné tout outil de régulation et sont si démunis qu'ils s'en remettent à la grande distribution, aux grands industriels qui ont prospéré sur un système inique.

 « La lutte est davantage entre petits producteurs et géants de l'agrobusiness, qu'entre pays, souligne l'éleveuse de volailles : l'Allemagne a avalé plus de 30 % de ses paysans en moins d'une décennie... La dérive libérale et court-termiste continue : [elle] favorise toujours plus les gros producteurs. » Et la FNSEA, présidée par une personnalité du système productiviste libéral mondialisé (qui détruit la paysannerie française), est partie prenante dans cette destruction. 

De même que la grande distribution et les industriels ! Le président d'Intermarché ne trouve rien de mieux à dire** que d'incriminer « le retard de compétitivité » de l'élevage français et son « retard d'investissement dans les outils de production »... C'est pousser à la généralisation des monstrueuses fermes-usines à l'américaine (les « 1000 vaches » de la Somme) selon l'exemple allemand : industrie qui fait au bétail une vie atroce, produit des viandes discutables, et liquide la paysannerie. 

Je discutais l'autre soir avec un très courtois manager agro-industriel ; je lui ai posé la question du site des « 1000 vaches » et du rejet de ses produits par les consommateurs. Il m'a parlé de la concurrence mondiale.  Le débat n'est pas près de s'ouvrir... 

 

_______________ 

* Libération, 23/07. 

** Le Monde, 24/07.

 

 

Commentaires

POURQUOI

> C'est tout à fait vrai, MAIS il faudra bien un jour sortir du simple constat périodiquement répété mais qui n'avance à rien, et des manifs défouloirs tout aussi inutiles. M. Le Foll a déclaré il y a peu qu'il n'avait aucun moyen légal d'agir, c'est pourquoi il débloque non de l'argent mais des garanties d'emprunt. Eh oui!
Alors il faut se demander POURQUOI la grande distrib' est toute puissante, pourquoi nous sommes livrés à la concurrence internationale, quels textes empêchent le gouvernement d'agir?
Tant qu'on n'aura pas regardé ces questions en face nous nous contenterons de stérile indignation.
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Écrit par : Pierre Huet / | 24/07/2015

à PH

> Je pourrais vous rétorquer la même chose : ce que vous dites est "tout à fait vrai", mais dénoncer les traités transnationaux si l'on ne met pas en cause le modèle économique est une posture hors-sol ! (que partagent d'ailleurs les incohérents libéraux-conservateurs).
Et il n'est pas plus "réaliste" de dénoncer le transnational que de dénoncer le capitalisme actuel : l'un comme l'autre sont hors de portée de nos armes - d'ailleurs inexistantes !
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Écrit par : PP / | 24/07/2015

@ Cher PP

> Vous m'avez mal compris:
Dénoncer les traités internationaux n'empêche pas de mettre en cause le modèle économique.
Or, la politique, c'est une question de pouvoir. Et l'outil de pouvoir du capitalisme, je dirais même le noeud de son pouvoir actuel, au début du XXIè s., c'est la mondialisation. Contester le capitalisme dans le général, le vague, c'est ceci qui me semble hors sol.
Alors, je vous demande de lire cette réflexion d'une personne qui ne vient pas du même horizon que moi, loin de là, qui m'a paru être une grande dame quand j'ai eu l'occasion de la saluer l'an dernier, Diana Johnston. Ci dessous extrait de
http://www.legrandsoir.info/la-grece-a-capitule-mais-devant-qui-exactement-counterpunch.html
"La capitulation européenne devant les États-Unis a eu lieu il y a environ soixante-dix ans. Elle fut accueillie comme une libération, bien sûr, mais s’est transformée en une domination durable. Elle a été tout simplement reconfirmée par la capitulation grecque du 12 Juillet 2015. Et cette capitulation fut imposée par une idéologie hégémonique de plus en plus anti-nationaliste, particulièrement forte à gauche, qui considère le « nationalisme » comme la source de tout mal, et l’Union européenne la source de tout bien, puisqu’elle détruit la souveraineté des nations. Cette idéologie est tellement dominante à gauche que très peu osent la contester - et Syriza était de gauche exactement de cette façon, croyant à la vertu de « l’appartenance à l’Union européenne », quelle que soit la douleur et la souffrance que cela implique. Ainsi Syriza n’a même pas préparé la sortie de la zone euro, et encore moins la sortie de l’Union européenne.
En conséquence, seuls les partis « d’extrême droite » osent défendre la souveraineté nationale. Ou plutôt, toute personne qui défend la souveraineté nationale sera étiquetée « extrême droite ». Il est trop facile d’oublier que sans la souveraineté nationale, il ne peut y avoir de démocratie, pas de volonté du peuple."
PH

[ PP à Ph - Tout ça étant évident et correspondant aux positions de ce blog depuis toujours, je persiste à ne pas comprendre en quoi vous nous taxez d'irréalisme. Parce que nous ne faisons pas partie de tel ou telle formation souverainiste ? J'ai la faiblesse de penser qu'on fait plus de travail souverainiste de terrain, par exemple, dans une Internationale paysanne comme Via Campesina (souveraineté alimentaire), que dans des partis aussi estimables que théoriques... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Pierre Huet / | 24/07/2015

COUPAT ET RÉMI FRAISSE

> La première interview de Julien Coupat sous Hollande (je la découvre avec retard !)
Sans doute est-ce un rien hors-sujet (quoique, l'extrait -ci-dessous...)

"Rémi Fraisse, le jeune manifestant mort en octobre dernier lors des manifestations contre le barrage de Sivens, est le premier manifestant tué par les forces de l’ordre depuis trente ans en France. Quel regard portez-vous sur cet événement ?"
" Précisément : seul un régime de gauche pouvait tuer un manifestant, mentir des jours durant sur les circonstances de sa mort, pour finalement expulser ses camarades de lutte grâce aux gros bras de la FNSEA, et tout cela sans déclencher une révolte de masse."
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Écrit par : Aventin / | 25/07/2015

LE LIEN

> Toutes mes excuses Patrice, j'avais omis de fournir le lien de l'interview de Coupat dans mon commentaire, or celle-ci a ses zones d'intérêt, parfois:
https://lundi.am/Interview-de-Julien-Coupat
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Écrit par : Aventin / | 25/07/2015

@ PP

> Loin de moi l'idée de mettre en cause votre blog et vos position: vous êtes sur un créneau ou vous vous battez bien, et je vous sais gré de ce que vous nous apportez.
Mais à côté de vous il faut voir que les militants et bénévoles de toutes sorte oeuvrant contre l'idole Argent ne soulèvent jamais la question des chaînes qui les lient, et souvent, bien au contraire se placent dans une optique supranationale qui ne peut être autre chose que libérale, consentant ainsi à leur paralysie. Une chatte ne fait des chiots. C'est ce que constate lucidement D. Johnstone.

PH


[ PP à PH - "Laudato Si" également se place dans une optique internationale. Pas de lutte concrètement efficace pour la souveraineté, sans une alliance internationale des militants des droits des nations. L'ennemi principal est le même pour eux tous : c'est la mondialisation libérale et ses annexes politiques genre Bruxelles ; chose apparemment impossible à faire entendre aux souverainistes libéraux ! (il en existe, aussi incohérent que cela paraisse). ]

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Écrit par : Pierre Huet / | 25/07/2015

LE PROBLÈME

> Nous sommes bien d'accord.
La seule cause de mon exaspération est que la très grande majorité des catholiques, même antilibéraux sociaux et écologistes, évitent soigneusement de regarder le problème de "l'annexe de Bruxelles" qui
- rend obligatoire le libre-échange et la liberté de circulation des capitaux, à l'intérieur de l'UE et avec les pays tiers.
- considère toute préférence selon l'origine comme une discrimination dans les passations de marché public, la seule admise étant l'appellation d'origine.
- négocie dans le secret le fameux TAFTA, dont les parlementaires ne peuvent consulter le projet que sous contrôle, sans aucun appareil de prise vue !
...etc
Ces règles, incluses dans les traités, ne peuvent-être modifiée qu'à l'unanimité et on imagine mal le Luxembourg, les Pays-Bas et quelques autres accepter restreindre ce libéralisme. En sortir, pays par pays, n'est pas accessoire ni facultatif, c'est un préalable nécéssaire.
Cercle vicieux: plus nous nous appauvrissons, plus la grande distrib' règne et casse l'agriculture et les industries.
Bien à vous,
PH
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Écrit par : Pierre Huet / | 27/07/2015

Illustration :

> http://francais.rt.com/economie/4895-industrie-allemande-lait-bruxelles-france
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Écrit par : Pierre Huet / | 28/07/2015

@ Pierre Huet

> les Accords de Schengen avaient déjà été négocié en secret dans les années 80.
Ils mettent fin aux contrôles douaniers pour permettre un plus grand confort des trafiquants de drogue, d'être humains, etc., mais aussi faciliter le recrutement d'ouvriers dociles pour les restaurants,ramassage fruits et légumes, BTP, groupes du CAC 40 qui ne se sont jamais privés d'employer des immigrés illégaux.
Comme le disait Georges Marchais, "le contrôle permet la protection de la loi, il rendrait service aux immigrés eux-mêmes."
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Écrit par : E Levavasseur / | 29/07/2015

à propos de trafic d'êtres humains :

> http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20150729.OBS3326/plusieurs-centaines-de-mauritaniennes-destinees-a-l-esclavage-en-arabie-saoudite.html
Le pays où c'est le plus courant c'est celui dont le gros roi finance les terroristes qui attaquent le pays où il bronze en ce moment.
Et tout le monde le sait.
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Écrit par : E Levavasseur / | 29/07/2015

ÇA MARCHE

> Ce que les esclaves du système appelleront, pour se consoler, un bricoleur:
http://www.franceinfo.fr/vie-quotidienne/consommation/article/crise-de-l-elevage-le-contre-exemple-d-une-exploitation-qui-marche-714653
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Écrit par : Pierre Huet / | 10/08/2015

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